Rédigé par Keith Andre Baybayon, boursier international McCall MacBain 2024 en Inde
Khamma Ghani (« meilleures salutations » en rajasthani)!
Assis sur la terrasse de mon logement à Jaipur, à des milliers de kilomètres de chez moi, je me sens vibrer au rythme du pays le plus peuplé du monde : l’Inde. Rempli de défis et de victoires personnelles, mon séjour dans ce pays représente une occasion de renforcer au jour le jour ma relation avec une nouvelle culture. En réfléchissant à mes premiers mois, je peux affirmer en toute confiance que je n’aurais pu choisir un meilleur lieu à visiter dans le cadre de ma bourse.
Pourtant, l’Inde, comme je l’ai rapidement découvert, n’est pas une destination tout indiquée pour un voyageur novice comme moi. Les deux premières semaines ont été intenses, c’est le moins qu’on puisse dire. J’ai ressenti de nombreux chocs culturels alors que je m’adaptais à un mode de vie très différent du mien. Le premier d’entre eux m’attendait dès ma sortie de l’aéroport. Les rues grouillaient de voitures, de tuk-tuks et de motos qui semblaient complètement ignorer les règles routières, chaque conducteur se comportant un peu comme si la route lui appartenait. Le simple fait de traverser la rue était une sorte d’aventure en soi : j’ai passé à deux doigts de me faire heurter deux ou trois fois durant la première semaine.
C’était également difficile de m’adapter à la nourriture. En tant que Philippin, je n’étais guère habitué à la nourriture épicée, मसालेदार खाना comme on l’appelle en Inde. La cuisine philippine marie le sucré, l’aigreur, l’amertume et le salé, mais elle n’a pas l’intensité caractéristique de la nourriture au pays des épices. Je me suis adapté graduellement à la cuisine locale, en scrutant attentivement les menus et en essayant une variété de plats pour développer ma tolérance aux épices à mon propre rythme. J’ai commencé par les options relativement douces, comme le paneer makhani, avant de passer aux spécialités régionales : dal baati churma, gatte ki sabzi, laal maas, etc.
Ensuite, il y a eu les arnaques, qu’il s’agisse de me faire payer huit fois le prix régulier d’une bouteille d’eau ou de me facturer des « frais pour étrangers » pour un trajet en tuk-tuk. Bref, j’ai rapidement appris à faire preuve de prudence. La question la plus courante qu’on me pose? « Es-tu déjà tombé malade? » Bien sûr! Malgré tous mes efforts pour rester en bonne santé, j’ai souffert de maux d’estomac, de légers coups de chaleur et surtout d’allergies à la poussière, mon ennemi numéro un. Maintenant que j’y pense, ce n’était probablement pas la meilleure idée pour une personne souffrait d’allergies à la poussière d’aller vivre dans un état situé dans un désert. Heureusement, mon corps a fini par s’adapter et je n’ai plus besoin de prendre des médicaments contre les allergies. La saison de la mousson, qui était en cours au moment de mon arrivée, me réservait elle aussi des surprises. Même durant les journées apparemment ensoleillées, une averse de nulle part me laissait souvent trempé jusqu’aux os.

Malgré les obstacles et les défis auxquels j’ai dû faire face au cours de mes premières semaines en Inde, j’ai rapidement commencé à aimer mon séjour, surtout les possibilités de suivre les traditions locales. Il va sans dire qu’en tant qu’étudiant en religions asiatiques et études de l’Asie du Sud, j’ai sauté sur l’occasion de découvrir de mes propres yeux les cultures que j’avais étudié en classe. Jaipur, surnommée la Ville rose, s’est avérée l’endroit idéal pour plonger dans une riche histoire. La majorité de ses habitants sont hindous, mais la ville abrite une variété de communautés religieuses, dont des musulmans, des sikhs, des chrétiens et des jaïns, toutes très attachées à leurs traditions. Parmi mes expériences les plus mémorables figure une cérémonie arti, un magnifique rituel de prière et de remerciement aux divinités hindou. L’atmosphère était envoûtante, imprégnée de dévotion, et éventuellement je n’ai pas pu résister à l’envie de me joindre à la danse.
Pendant mon séjour dans une auberge à Udaipur, on m’a aussi invité à participer à une puja [un rituel religieux hindou] durant le festival Diwali. Ma participation à ces cérémonies, surtout à l’occasion d’une fête aussi importante, a été profondément enrichissante dans le contexte de mon voyage d’immersion culturelle. Cette occasion de découvrir des religions différentes de la mienne a été incroyable, et l’ouverture d’esprit et la cordialité des gens d’ici l’ont rendue encore plus extraordinaire. Leur nature accueillante facilite la découverte et la compréhension de leurs traditions, et ils encouragent toujours ceux qui font preuve de curiosité et de respect.
En parlant d’apprentissage, ça fait presque trois mois que j’apprends l’hindi. En l’absence de connaissances quelconques sur les langues indo-aryennes, la tâche s’est avérée difficile. À mon arrivée, c’est à peine si je pouvais bafouiller un नमस्ते (bonjour) et un धन्यवाद (merci). Heureusement, j’ai eu d’excellents enseignants : Rishi et Mukesh, de l’école de langues Indian Lingua. Dans le cadre de leçons privées quotidiennes, ils m’ont aidé à m’y retrouver dans des problèmes de grammaire complexes, en mettant l’accent sur la communication orale. Ainsi, chaque semaine, je deviens un peu plus confiant dans mes conversations avec les gens d’ici. Je peux commander de la nourriture dans les restaurants, donner des instructions à des conducteurs de tuk-tuk, négocier dans les bazars et entretenir des conversations familières avec de nouveaux amis. Après chaque cours, je me mets au défi de visiter les marchés locaux et de parler avec les commerçants, ce qui m’a beaucoup aidé à enrichir mon vocabulaire et à apprendre les expressions courantes. Il est intéressant de noter que j’ai appris à utiliser mon apparence (qui n’est pas si différente de celle des habitants du pays) et ma maîtrise croissante de l’hindi à mon avantage. Aux billetteries des sites touristiques populaires, comme les forteresses à Jaipur, je dis avec confiance « स्थानीय टिकट चाहिए », c’est-à-dire « je veux un billet d’habitant local », qui peut coûter jusqu’à dix fois moins qu’un billet pour les étrangers. En général, ça fonctionne! J’ai accompli des progrès incroyables, et j’ai bien hâte de poursuivre mon apprentissage lorsque mon trimestre d’études commence.
L’une des leçons les plus importantes que j’ai apprises en Inde est la philosophie अतिथि देवो भव, c’est-à-dire « l’invité est Dieu », que les gens de ce pays incarnent parfaitement. Je viens de revenir d’un petit voyage en solo à destination d’Udaipur, surnommée « la ville des lacs », et de Jodhpur, surnommée « la ville bleue », où j’ai eu la chance de célébrer Deepavali, le grand festival indien des lumières, et de fêter mon anniversaire! Mes aventures, cependant, avaient commencé à la gare de Jaipur, avant même le début de mon voyage. Je suis arrivé au milieu de la nuit, mais déjà la gare était remplie de centaines de personnes attendant leur train ou essayant d’en attraper un. Plongé dans la cacophonie des klaxons à l’extérieur, la rumeur d’innombrables conversations et la bousculade de la foule, je me suis senti dépassé. Comble de la confusion, les panneaux de la gare étaient rédigés en caractères devanagari. Au moment où je commençais à me demander comment j’arriverais à trouver mon train, une famille aimable a remarqué mon incertitude et m’a aidé à trouver mon quai juste à temps.

Une fois arrivé à Udaipur et Jodhpur, j’ai séjourné dans des auberges pour y rencontrer d’autres voyageurs. J’ai eu la chance de rencontrer des gens de tous les coins de l’Inde, du Kerala au sud à la ville de Dehradun au nord, et leurs points de vue et histoires uniques ont grandement enrichi mon voyage. Partout au Rajasthan, l’Inde ne manquait jamais de me rappeler de son hospitalité. Des étrangers intervenaient pour s’assurer que les commerçants me rendaient ma monnaie. De nouveaux amis que j’ai rencontrés à un café m’ont invité à une randonnée en montagne. Le chef d’un restaurant m’a même convié à prendre part à la Diwali Mela – une joyeuse célébration remplie d’activités culturelles, de jeux, de délicieux plats et même de magasinage – avec sa famille. Même la barrière de la langue n’était pas un obstacle insurmontable : un chauffeur de tuk-tuk qui ne parlait pas l’anglais a tout fait pour m’aider à me rendre à destination, s’arrêtant parfois pour demander aux gens de jouer le rôle d’interprètes. Chaleureux et accueillant, l’esprit de l’Inde m’a donné le sentiment que je trouverais toujours de l’aide en cas de besoin, où que je sois.
Au départ, j’avais des doutes quant à mon idée d’aller en Inde, surtout en l’absence d’autres boursiers en Asie du Sud pour me prêter conseil. En fin de compte, je me suis rendu compte que l’Inde est le parfait pays pour ma bourse. C’est un pays d’une beauté et d’une diversité incroyable, dont je n’ai exploré qu’une infime partie. Chaque état est comme un pays différent, avec une culture et des traditions qui lui sont propres. Chaque conversation, chaque aventure, chaque leçon apprise me pousse à accepter l’inconfort et favorise ma croissance personnelle. J’ai hâte aux expériences qui m’attendent dans mes études et mon travail, mais pour l’instant, यह वर्तमान में जीने का समय है : il faut vivre dans le présent.
Les Bourses internationales McCall MacBain sont ouvertes aux étudiant·es du premier cycle de l’Université McGill, de l’Université du Manitoba, de l’Université Dalhousie et de l’Université McMaster, ainsi qu’aux bénéficiaires d’une Bourse McCall – Comté de Huron et d’une Bourse MacBain – Niagara Falls qui étudient dans un établissement canadien. L’appel de candidatures a lieu d’octobre à janvier chaque année.